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HISTOIRE DE FRANCE

léans, la lettre que son fils répandit quelques années après, sont pleins de choses touchantes et d’une naïveté douloureuse.

Vox sanguinis fratris tui clamat ad me de terra.

« Tu peux, ô roi, dire à la partie adverse cette parole qu’a dite le Seigneur à Caïn, après qu’il eut tué son frère… Certes oui, la terre crie et le sang réclame ; car il ne serait pas un homme naturel, ni d’un sang pur, celui qui n’aurait pas compassion d’une mort si cruelle.

« Et toi, ô roi Charles de bonne mémoire, si tu vivais maintenant, que dirais-tu ? quelques larmes pourraient t’apaiser ? qui t’empêcherait de faire justice d’une telle mort ? Hélas ! tu as tant aimé, honoré et élevé avec tant de soin l’arbre où est né le fruit dont ton fils a reçu la mort ! Hélas ! roi Charles ! tu pourrais bien dire comme Jacob : Fera pessima devoravit filium meum : Une bête très mauvaise a dévoré mon fils.

« Hélas ! il n’y a si pauvre homme, ou de si bas état en ce monde, dont le père ou le frère ait été tué si traîtreusement, que ses parents et ses amis ne s’engagent à poursuivre l’homicide jusqu’à la mort. Qu’est-ce donc quand le malfaiteur persévère et s’obstine dans sa volonté criminelle ?… Pleurez, princes et nobles, car le chemin est ouvert pour vous faire mourir en trahison et à l’improviste ; pleurez, hommes, femmes, vieillards et jeunes gens ; la douceur de la paix et de la tranquillité vous est ôtée, puisque le chemin vous est montré pour occire et porter le glaive