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LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

contre les princes, et qu’ainsi vous voilà en guerre, en misère, en voie de destruction. »

La prophétie ne s’accomplit que trop. Celui contre lequel on venait d’accueillir cette plainte, celui qu’on jugeait digne de toute peine, d’amende honorable, de prison, il n’y eut pas besoin de le poursuivre : il revint de lui-même, mais en maître ; l’on n’avait que des plaidoiries à lui opposer. Il revint, malgré les plus expresses défenses, entouré d’hommes d’armes, et fit mettre sur la porte de son hôtel deux fers de lance, l’un affilé, l’autre émoussé[1], pour dire qu’il était prêt à la guerre et à la paix, qu’il combattrait aux armes courtoises, ou, si l’on aimait mieux, à mort. Les princes avaient été jusqu’à Amiens pour l’empêcher de venir. Il leur donna des fêtes, leur fit entendre d’excellente musique, et continua sa route jusqu’à Saint-Denis, où il fit ses dévotions. Là, nouvelle défense des princes[2]. Mais il n’entra pas moins à Paris. Il se trouva des gens pour crier : « Noël au bon duc[3] ! » Le peuple croyait qu’il allait supprimer les taxes. Les princes l’accueillirent. La reine, chose odieuse, se contraignit au point de lui faire bonne mine.

Tout semblait rassurant ; et pourtant, en entrant dans la ville où l’acte avait été commis, il ne pouvait s’empêcher de trembler. Il alla droit à son hôtel, fit

  1. App. 102.
  2. App. 103.
  3. C’est du moins ce que rapporte le chroniqueur bourguignon : « Mesmement les petits enfants en plusieurs carrefours à haute voix crioient Noël. » (Monstrelet.)