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HISTOIRE DE FRANCE

L’apologiste du duc de Bourgogne, Jean Petit, était un Normand, animé d’un âpre esprit normand, un moine mendiant, de la pauvre et sale famille de saint François. Ces cordeliers, d’autant plus hardis qu’ils n’avaient que leur corde et leurs sandales, se jetaient volontiers en avant. Au quatorzième siècle, ils avaient été pour la plupart visionnaires, mystiques, malades et fols de l’amour de Dieu ; ils étaient alors ennemis de l’Université. Mais, à mesure que le mysticisme fit place à la grande polémique du schisme, ils furent du parti de l’Université, et au delà. Le cordelier Jean Petit n’avait pas le moyen d’étudier ; il fut soutenu par le duc de Bourgogne, qui l’aida à prendre ses grades et lui fit une pension[1]. À peine docteur, il se fit remarquer par sa violence. L’Université l’envoya parmi ceux de ses membres qu’elle députait aux papes. Lorsque l’assemblée du clergé de France, en 1406, flottait et n’osait se déclarer entre l’Université de Paris qui attaquait le pape Benoît, et celle de Toulouse qui le défendait, Jean Petit prêcha avec la fureur burlesque d’un prédicateur de carrefour « contre les farces et tours de passe-passe de Pierre de la Lune, dit Benoît ». Il demanda et obtint que le parlement fit brûler la lettre de l’université de Toulouse. C’est alors que le parti de Benoît et du duc d’Orléans fut jugé vaincu, que les gens avisés le quittèrent[2], que ses ennemis s’enhardirent, et que, la suspension des prédications ayant suffisamment irrité le peuple, on crut pouvoir

  1. App. 104.
  2. Par exemple Savoisy.