Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
JEUNESSE DE CHARLES VI

plus propre à troubler le sens ?… Le fait lui apparaîtra sans raison, ni droit d’exister. L’ignorance du fait, l’obscurcissement du droit, sont le fléau du quatorzième et du quinzième siècle.

Les chroniqueurs, ne pouvant expliquer ces choses, y voient la peine du schisme. Ils ont raison en un sens. Mais le schisme pontifical était lui-même un incident du schisme universel qui travaillait les esprits.

La discorde intellectuelle et morale se traduisait en guerres civiles. Guerre dans l’Empire, entre Wenceslas et Robert ; en Italie, entre Duras et Anjou ; en Portugal, pour et contre les enfants d’Inès ; en Aragon, entre Pierre VI et son fils ; tandis qu’en France se préparent les guerres d’Orléans et de Bourgogne, en Angleterre celles d’York et de Lancastre.

Discorde dans chaque État, discorde dans chaque famille. « Deux hommes, se levant d’un même lit, disent à peine un mot qu’ils s’enfuient l’un de l’autre ; l’un crie York, l’autre Lancastre ; et, pour adieu, ils croisent leurs épées[1]. »

Voilà les parents, les frères. Mais qui eut pénétré plus avant encore, qui eût ouvert un cœur d’homme, il y aurait trouvé toute une guerre civile, une mêlée acharnée d’idées, de sentiments en discorde.

Si la sagesse consiste à se connaître soi-même et à se pacifier, nulle époque ne fut plus naturellement folle. L’homme, portant en lui cette furieuse guerre,

  1. Michael Drayton’s, The miseries of Queen Margaret.