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LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

de Bohême, partager sa charge de capitaine de Paris avec les Legoix[1] et autres bouchers ; de le voir armer ces gens, marcher dans Paris de front avec cette milice royale, les charger de faire les affaires de la ville, et de poursuivre les Orléanais. Il risquait gros en s’alliant ainsi. Il croyait tenir les bouchers ; n’étaient-ce pas eux qui allaient bientôt le tenir lui-même ? Le comte de Saint-Pol et son maître le duc de Bourgogne mettaient là en mouvement une formidable machine ; mais, le doigt pris dans les roues, ils pouvaient fort bien, doigt, tête et corps, y passer tout entiers.

Je ne sais au reste s’il y avait moyen d’agir autrement. Tout esprit de faction à part, Paris, au milieu des bandes qui venaient batailler autour, avait grand besoin de se garder lui-même. Or, depuis la punition des Maillotins et le désarmement, les seuls des habitants qui eussent le fer en main et l’assurance que donne le maniement du fer, c’étaient les bouchers. Les autres, comme on l’a vu, avaient refusé de reprendre leurs centeniers, de crainte de porter les armes. Les gentilshommes du comte de Saint-Pol n’auraient pas suffi, ils auraient même été bientôt suspects, si on ne les eût vus toujours à côté d’une milice, brutale, il est vrai, violente, mais après tout parisienne et intéressée à défendre Paris du pillage. Quelque peur qu’on eût des bouchers, on avait bien autrement peur des innombrables pillards qui venaient jusqu’aux portes

  1. Peu après, nous voyons le duc de Bourgogne assister aux obsèques du boucher Legoix : « Et lui fit-on moult honorables obsèques, autant que si c’eust été un grand comte. » (Juvénal.)