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LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

avaient rempli leurs charrettes[1], les seigneurs de Gand et de Bruges reprenaient, quoi qu’on pût leur dire, le chemin de leur pays.

Mais la grande foule des pillards venait des provinces nécessiteuses de l’Ouest et du Midi. La campagne, à la voir au loin, était toute noire de ces bandes fourmillantes ; gueux ou soldats, on n’eût pu le dire ; qui à pied, qui à cheval, à âne ; bêtes et gens maigres et avides à faire frémir, comme les sept vaches dévorantes du songe de Pharaon.

Démêlons cette cohue. D’abord il y avait force Bretons. Les familles étaient d’autant plus nombreuses, en Bretagne, qu’elles étaient plus pauvres. C’était une idée bretonne d’avoir le plus d’enfants possible, c’est-à-dire plus de soldats qui allassent gagner au loin et qui rapportassent[2]. Dans les vraies usances bretonnes, la maison paternelle, le foyer restait au plus jeune[3] ; les aînés étaient mis dehors ; ils se jetaient dans une barque, ou sur un mauvais petit cheval, et tant les portait la barque ou l’indestructible bête, qu’ils revenaient au manoir refaits, vêtus et passablement garnis.

En Gascogne, un droit différent produisait les mêmes

  1. Deux mille charrettes, selon Meyer ; douze mille, selon Monstrelet. — « Leur requist bien instamment qu’ils le voulsissent servir encore huit jours… Commencèrent à crier à haulte voix : Wap ! wap ! (qui est à dire en françois : À l’arme ! à l’arme !)… boutèrent le feu par tous leurs logis, en criant derechef tous ensemble : Gau ! gau ! se départirent et prirent leur chemin vers leurs pays… Le duc de Bourgogne… le chaperon ôté hors de la tête devant eux, leur pria à mains jointes très humblement… eux disant et appelant frères, compains et amis… » (Monstrelet.)
  2. Quelquefois cinquante enfants, de dix femmes différentes… (Guillaume de Poitiers.)
  3. App. 120.