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HISTOIRE DE FRANCE

effets. L’aîné restait fièrement au castel, sur sa roche, sans vassal que lui-même, et se servant par simplicité. Les cadets s’en allaient gaiement devant eux, tant que la terre s’étendait, bons piétons, comme on sait, allant à pied par goût, tant qu’ils ne trouvaient pas un cheval, riches d’une épée de famille, d’un nom sonore et d’une cape percée ; du reste, nobles comme le roi, c’est-à-dire comme lui sans fief[1], et n’en levant pas moins quint et requint sur la terre, péage sur le passant.

Ce vieux portrait du Gascon, pour être vieux, n’est pas moins ressemblant, et je crois que, mutatis mutandis, il en reste quelque chose. Tels les peint la chronique dès le temps du bon roi Robert[2] ; tels au temps des Plantagenets[3] ; tels sous Bernard d’Armagnac, et enfin sous Henri IV. L’excellent baron de Feneste[4] n’exprime pas seulement l’invasion des intrigants du Midi sous le Béarnais ; plus sérieux en apparence, moins amusant, moins gasconnant, ce baron subsiste. Alors, aujourd’hui et toujours, ces gens ont exploité de préférence un fonds excellent, la simplicité et la pesanteur des hommes du Nord. Aussi émigraient-ils volontiers. Ce n’était pas pour bâtir, comme les Limousins, ni pour porter et vendre, comme les gens d’Auvergne. Les Gascons ne vendaient qu’eux-mêmes. Comme soldats, comme domestiques des princes, ils servaient pour devenir maîtres. Ne leur parlez pas

  1. Le roi n’en est pas moins le grand fieffeux ; il n’a rien et il a tout.
  2. Voir au tome II, ceux qui vinrent avec la reine Constance.
  3. Voy. tomes II et III. Sous la plupart de ces princes, aux douzième et treizième siècles, les Poitevins et les Gascons gouvernèrent l’Angleterre.
  4. Aventures du baron de Feneste, par d’Aubigné (1620).