Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
LUTTE DES DEUX PARTIS. — CABOCHIENS

soixante petites places. Au fond, il ne travaillait que pour lui-même : quand le duc d’Orléans vint en Guyenne, il ne le seconda pas. Mais, dès que le prince fut mort, le comte d’Armagnac se porta pour son ami, pour son vengeur ; il saisit hardiment ce grand rôle, mena tout le Midi au ravage du Nord, fit épouser sa fille au jeune duc d’Orléans, lui donnant en dot ses bandes pillardes et la malédiction de la France.

Ce qui rendit ces Armagnacs exécrables, ce fut, outre leur férocité, la légèreté impie avec laquelle ils traitaient les prêtres, les églises, la religion. On aurait dit une vengeance d’Albigeois, ou l’avant-goût des guerres protestantes. On l’eût cru, et l’on se fût trompé. C’était légèreté gasconne[1], ou brutalité soldatesque. Probablement aussi, dans leur étrange christianisme, ils pensaient que c’était bien fait de piller les saints de la langue d’oil, qu’à coup sûr ceux de la langue d’oc ne leur en sauraient pas mauvais gré. Ils emportaient les reliquaires sans se soucier des reliques ; ils faisaient du calice un gobelet, jetaient les hosties. Ils remplaçaient volontiers leurs pourpoints percés par des ornements d’église ; d’une chape ils se taillaient une cotte d’armes, d’un corporal un bonnet.

Arrivés devant Paris, ils avaient pris Saint-Denis pour centre. Ils logèrent dans la petite ville et dans la riche abbaye. La tentation était grande. Les religieux, de peur d’accident, avaient fait enfouir le trésor du bienheureux ; mais ils n’avaient pas songé à

  1. App. 122.