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HISTOIRE DE FRANCE

prendre la même précaution pour la vaisselle d’or et d’argent que la reine leur avait confiée. Un matin, après la messe, le comte d’Armagnac réunit au réfectoire l’abbé et les religieux ; il leur expose que les princes n’ont pris les armes que pour délivrer le roi et rétablir la justice dans le royaume, que tout le monde doit aider à une si louable entreprise. « Nous attendons de l’argent, dit-il, mais il n’arrive pas ; la reine ne sera pas fâchée, j’en suis sûr, de nous prêter sa vaisselle pour payer nos troupes ; messieurs les princes vous en donneront bonne décharge, scellée de leur sceau. » Cela dit, sans s’arrêter aux représentations des religieux, il se fait ouvrir la porte du trésor, entre, le marteau à la main, et force les coffres. Encore ne craignit-il pas de dire que si cela ne suffisait pas, il faudrait bien aussi que le trésor du saint contribuât. Les moines se le tinrent pour dit, et firent sortir de l’abbaye ceux des leurs qui connaissaient la cachette[1].

Des gens qui prenaient de telles libertés avec les saints ne pouvaient pas être fort dévots à l’autre religion de la France, la royauté. Ce roi fou que les gens du Nord, que Paris, au milieu de ses plus grandes violences, ne voyaient qu’avec amour, ceux du Midi n’y trouvaient rien que de risible. Quand ils prenaient un paysan, et que, pour s’amuser, ils lui coupaient les oreilles ou le nez : « Va, disaient-ils ; va maintenant te montrer à ton idiot de roi[2]. »

  1. App. 123.
  2. « Ite ad regem vestrum insanum, inutilem et captivum. » (Religieux.)