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RÉFORME DANS L’ÉTAT ET DANS L’ÉGLISE

de sa main, et jura dessus. Le duc croyait mener le peuple ; il vit bientôt qu’il le suivait.

Ceux qui venaient de planter l’étendard de la commune contre une forteresse royale n’étaient pourtant pas, autant qu’on pourrait croire, des ennemis de l’ordre. Ils ne mirent pas la main sur Desessarts, ne lui firent aucun mal ; ils voulaient qu’on lui fît son procès. Ils le menèrent au château du Louvre, et lui donnèrent une garde demi-bourgeoise et demi-royale.

Ces hommes, modérés dans la violence même, n’étaient pas des gens de la bonne bourgeoisie de Paris, de celle qui fournissait les échevins, les cinquanteniers. Cette bourgeoisie avait parlé par l’organe de Benoît Gentien, parlé modérément, vaguement ; elle était incapable d’agir. Les cinquanteniers avaient fait ce qu’ils avaient pu pour empêcher qu’on ne marchât sur la Bastille. Il y avait des gens plus forts qu’eux, et que la foule suivait plus volontiers, gens riches, mais qui, par leur position, leur métier et leurs habitudes, se rapprochaient du petit peuple : c’étaient les maîtres bouchers, maîtres héréditaires des étaux de la grande boucherie et de la boucherie Sainte-Geneviève[1]. Ces étaux passaient, comme des fiefs, d’hoir en hoir, et toujours aux mâles. Les mêmes familles les ont possédés pendant plusieurs siècles. Ainsi les Saint-Yon et les Thibert, déjà importants sous Charles V (1376), subsistaient encore au dernier siècle[2]. Ce qui, malgré leur richesse, leur conservait les habitudes énergiques

  1. App. 133.
  2. App. 134.