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HISTOIRE DE FRANCE

du métier, c’est qu’il leur était enjoint d’exercer eux-mêmes, de sorte que, tout riches qu’ils pouvaient être, ces seigneurs bouchers restaient de vrais bouchers, tuant, saignant et détaillant la viande.

C’étaient du reste des gens rangés, réguliers et souvent dévots. Ceux de la grande boucherie étaient fort affectionnés à leur paroisse, Saint-Jacques-la-Boucherie. Nous voyons, dans les actes de Saint-Jacques, le boucher Alain y acheter une lucarne pour voir la messe de chez lui[1], et le boucher Haussecul une clef de l’église pour y faire à toute heure ses dévotions.

Dans cette classe honnête, mais grossière et violente, les plus violents étaient les bouchers de la boucherie Sainte-Geneviève, les Legoix surtout. Ceux-ci, anciens vassaux de l’abbaye, vivaient assez mal avec elle. Ils s’obstinaient, malgré l’abbé, à vendre de la viande les jours maigres, et de plus, à fondre leur suif chez eux, au risque de brûler le quartier. Établis au milieu des écoles et des disputes, ils participaient à l’exaltation des écoliers. La boucherie Sainte-Geneviève était justement près de la Croix des Carmes, et, par conséquent, à la porte du couvent des Carmes ; les Legoix étaient ainsi voisins, amis sans doute de ce violent moine Eustache de Pavilly, le harangueur de l’Université.

La force des maîtres bouchers, c’était une armée de garçons, de valets, tueurs, assommeurs, écorcheurs, dont ils disposaient. Il y avait, parmi ces garçons, des hommes remarquables par leur audace brutale, deux

  1. App. 135.