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HISTOIRE DE FRANCE

un habile mécanicien ou ingénieur, qui avait aidé le duc de Berri à défendre Bourges ; quelqu’un s’étant avisé de dire que cet homme se vantait de pouvoir mettre le feu à la ville, sans qu’on pût l’éteindre, il fut tué à l’instant.

Les bouchers croyaient avoir fait une chose méritoire et comptaient bien être remerciés ; ils vinrent le lendemain à l’hôtel de ville. Là, les gros bourgeois, échevins et autres, repassaient en frémissant les événements de la veille, l’hôtel royal forcé, l’enlèvement des serviteurs du roi, le sang versé. Ils craignaient que le duc d’Orléans et les princes ne vinssent, en punition, anéantir la ville de Paris. Ils avaient peur des princes ; mais, d’autre part, ils avaient peur des bouchers ; ils n’osaient les désavouer. Ils envoyèrent aux princes quelques-uns des leurs avec des docteurs de l’Université, pour leur faire entendre, s’ils pouvaient, que tout s’était fait par bonne intention et sans qu’on voulût leur déplaire.

Cependant les bouchers, persévérant dans leur projet de réformer les mœurs du dauphin, ne cessaient de revenir à Saint-Paul, ou d’y envoyer des docteurs de leur parti. C’était un spectacle terrible et comique que ce peuple, naïvement moral et religieux dans sa férocité, qui ne songeait ni à détruire le pouvoir royal, ni à le transporter à une autre maison, pas même à une autre branche, mais qui voulait seulement amender la royauté, qui venait lui tâter le pouls, la médeciner gravement. L’hygiène appliquée à la politique[1] n’avait

  1. App. 137.