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RÉFORME DANS L’ÉTAT ET DANS L’ÉGLISE

contrer dans les rues avec ces nouveaux frères et amis, qu’ils voyaient pour la première fois, sales, sanglants, manches retroussées, menaçant tout le monde, hurlant le meurtre.

L’alliance monstrueuse des docteurs et des assommeurs ne pouvait durer. Les universitaires se réunirent au couvent des Carmes de la place Maubert, dans la cellule même d’Eustache de Pavilly[1]. Ils étaient singulièrement abattus, et ne savaient quel parti prendre. Ces pauvres docteurs, ne trouvant dans leur science aucune lumière qui pût les guider, se décidèrent humblement à consulter les simples d’esprit. Ils s’enquirent des personnes dévotes et contemplatives, des religieux, des saintes femmes qui avaient des visions. Pavilly, plein de confiance, s’offrit d’aller les consulter. Mais les visions de ces femmes n’avaient rien de rassurant. L’une avait vu trois soleils dans le ciel. Une autre voyait sur Paris flotter des nuées sombres, tandis qu’il faisait beau au midi, vers les marches de Berri et d’Orléans. « Moi, disait la troisième, j’ai vu le roi d’Angleterre en grand orgueil au haut des tours de Notre-Dame ; il excommuniait notre sire le roi de France ; et le roi, entouré de gens en noir, était assis humblement sur une pierre dans le parvis[2].

La terreur de ces visions ébranla les plus intrépides. Ils voulurent consulter un honnête homme du

  1. App. 139.
  2. Quelques-uns disaient qu’il fallait s’attendre à tous les maux, depuis la malédiction prononcée par Boniface et depuis renouvelée par Benoît XIII.