Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
HISTOIRE DE FRANCE

pouvoirs judiciaire et municipal, quoique impossible encore, n’en est pas moins indiquée dans quelques articles.

La confusion des pouvoirs judiciaire et militaire, ce fléau des sociétés barbares, y subsiste en droit dans les sénéchaux et les baillis. En fait, ces juges d’épée ne sont plus déjà les vrais juges ; ils ont la représentation et les bénéfices de la justice plus qu’ils n’en ont le pouvoir même. Les vrais juges sont leurs lieutenants, et ceux-ci sont élus par les avocats et les conseillers, par les sages, comme dit l’ordonnance.

Elle accorde beaucoup à ces sages, aux gens de loi, beaucoup trop, ce semble. Les Compagnies se recrutant elles-mêmes se recruteront probablement en famille ; les juges s’associeront, malgré toutes les précautions de la loi, leurs fils, leurs neveux, leurs gendres. Les élections couvriront des arrangements d’intérêt ou de parenté. Une charge sera souvent une dot ; étrange apport d’une jeune épousée, le droit de faire rompre et pendre… Ces gens se respecteront, je le crois, en proportion même des droits immenses qui sont en leurs mains. Le pouvoir judiciaire, transmis comme propriété, n’en sera que plus fixe, plus digne peut-être. Ne sera-t-il pas trop fixe ? Ces familles, ne se mariant guère qu’entre elles, ne vont-elles pas constituer une sorte de féodalité judiciaire ? immense inconvénient… Mais alors c’était un avantage. Cette féodalité était nécessaire contre la féodalité militaire, qu’il s’agissait d’annuler. La noblesse avait la force de cohésion et de parenté ; il fallait qu’il y eût aussi