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HISTOIRE DE FRANCE

chers hâtèrent sa mort, justement parce qu’ils estimaient sa bravoure et sa cruauté[1] (1er juillet).

Les juges allant encore trop lentement, les assassinats abrégèrent. Jacqueville alla insulter dans sa prison le sire de La Rivière, et celui-ci l’ayant démenti, ce digne capitaine des bouchers assomma le prisonnier désarmé. La Rivière n’en fut pas moins porté le lendemain à la Grève ; l’on décapita pêle-mêle les vivants et le mort[2].

Si la prison même n’était plus une sauvegarde, l’hôtel du roi risquait fort de n’en plus être une. Un soir que Jacqueville et ses bouchers faisaient leur ronde, ils entendirent, vers onze heures, un grand bruit de fête chez le dauphin. Ce jeune homme dansait, pendant qu’on tuait ses amis. Les bouchers montèrent, et lui firent demander par Jacqueville s’il était décent à un fils de France de danser ainsi à une heure indue[3]. Le sire de La Trémouille répliqua. Jacqueville lui reprocha d’être l’auteur de ces désordres. La patience manqua au dauphin ; il s’élança sur Jacqueville, et lui porta trois coups de poignard qu’arrêta sa cotte de mailles. La Trémouille eût été massacré, si le duc de Bourgogne n’eût prié pour lui (10 juillet).

Cette violation de l’hôtel du roi détacha bien des

  1. « Depuis qu’il fust mis sur la claye jusques à sa mort, il ne faisoit toujours que rire. » (Journal du Bourgeois.)
  2. Les cabochiens s’inquiétèrent pourtant de l’effet que produisait cette barbarie. Ils envoyèrent dans les villes une sorte d’apologie ; ils y disaient « que chacune information de ceux qui avoient esté décolés contenoit soixante feuilles de papier. » (Monstrelet.)
  3. « Entre onze et douze heures du soir. » (Juvénal.)