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HISTOIRE DE FRANCE

ne pouvaient guère se prendre que sur les biens du clergé.

Clémengis lui-même fournit une bonne réponse à ses accusations. Quand on parcourt le volumineux recueil de ses lettres, on est étonné de trouver dans la correspondance d’un homme si important, de l’homme d’affaires de l’Université, si peu de choses positives. Ce n’est que vide, que généralités vagues. Nulle condamnation plus décisive de l’éducation scolastique.

Les contemporains n’avaient garde de s’avouer cette pauvreté intellectuelle, ce dessèchement de l’esprit[1]. Ils se félicitaient de l’état florissant de la philosophie et de la littérature. N’avaient-ils pas de grands hommes, tout comme les âges antérieurs ? Clémengis était un grand homme, d’Ailly était un grand homme[2], et bien d’autres encore, qui dorment dans les bibliothèques, et méritent d’y dormir.

L’esprit humain se mourait d’ennui. C’était là son mal. Cet ennui était une cause indirecte, il est vrai, mais réelle, de la corruption de l’Église. Les prêtres excédés de scolastique, de formes vides, de mots où il n’y avait rien pour l’âme, ils la donnaient au corps, cette âme dont ils ne savaient que faire. L’Église péris-

  1. Voy. Renaissance, Introduction, sur la défaillance du caractère et des forces vives de l’âme dans la religion, la littérature et la politique aux quatorzième et quinzième siècles. La prose française, si rapide de Joinville à Froissart, si lente de Froissart à Comines ! Les États de 1357 avaient nettement vu l’avenir ; mais les cabochiens de 1413 croient pouvoir améliorer l’administration sans changer le cadre politique qui l’enserre et l’étouffe ! La scolastique a fini. C’est cet aplatissement moral qui a livré la France désarmée à l’invasion anglaise. (1860.)
  2. App. 151.