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HISTOIRE DE FRANCE

il se présenta devant son père couvert d’un habit de satin tout percé d’œillets, où les aiguilles tenaient encore par leur fil ; il s’agenouilla devant lui, lui présenta un poignard pour qu’il l’en perçât, s’il pouvait avoir quelque défiance d’un jeune fol, si ridiculement habillé.

Quoi qu’il en soit de cette histoire, le roi ne put s’empêcher de faire comme s’il se fiait à lui. Pour lui donner patience, il consentit à ce qu’il entrât au conseil. Mais ce n’était pas encore assez. Le jour de sa mort, comme il ouvrait les yeux après une courte léthargie, il vit l’héritier qui mettait la main sur la couronne, posée (selon l’usage) sur un coussin près du lit du roi. Il l’arrêta, avec cette froide et triste parole : « Beau fils, quel droit y avez-vous ? Votre père n’y eut pas droit[1]. »

Dans les derniers temps qui précédèrent son avènement, Henri V avait tenu une conduite double, qui donnait de l’espoir aux deux partis. D’un côté, il resta étroitement lié avec Oldcastle[2], avec les lollards. De l’autre, il se déclara l’ami de l’Église établie, et c’est sans doute comme tel qu’il finit par présider le conseil. À peine roi, il cessa de ménager les lollards ; il rompit avec ses amis. Il devint l’homme de l’Église, le prince selon le cœur de Dieu ; il prit la gravité

  1. Le roi lui demanda pourquoi il emportait sa couronne, et le prince lui dit : « Monseigneur, voici en présence ceux qui m’avoient donné à entendre que vous estiez trépassé ; et pour ce que je suis votre fils aîné… » (Monstrelet.)
  2. Tellement que l’archevêque de Cantorbéry hésitait à l’attaquer, le croyant encore ami du roi. (Walsingham.)