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JEUNESSE DE CHARLES VI

son ennemi. Elle était déjà prisonnière, lorsqu’elle eut la douleur de voir enfin devant Naples la flotte provençale, qui l’eût sauvée quelques jours plus tôt. La flotte parut dans les premiers jours de mai. Le 12, Jeanne fut étouffée sous un matelas.

Louis d’Anjou, qui se souciait peu de venger sa mère adoptive, avait envie de rester en Provence, et de recueillir ainsi le plus liquide de la succession ; le pape le poussa en Italie. Il semblait, en effet, honteux de ne rien faire avec une telle armée, une telle masse d’argent. Tout cela ne servit à rien. Louis d’Anjou n’eut même pas la consolation de voir son ennemi. Charles de Duras s’enferma dans les places, et laissa faire le climat, la famine, la haine du peuple. Louis d’Anjou le défia par dix fois. Au bout de quelques mois, l’armée, l’argent, tout était perdu. Les nobles coursiers de bataille étaient morts de faim ; les plus fiers chevaliers étaient montés sur des ânes. Le duc avait vendu toute sa vaisselle, tous ses joyaux, jusqu’à sa couronne. Il n’avait sur sa cuirasse qu’une méchante toile peinte. Il mourut de la fièvre à Bari. Les autres revinrent comme ils purent, en mendiant, ou ne revinrent pas (1384).

Des trois oncles de Charles VI, l’aîné, le duc d’Anjou, alla ainsi se perdre à la recherche d’une royauté d’Italie. Le second, le duc de Berri, s’en était fait une en France, gouvernant d’une manière absolue le Languedoc et la Guyenne, et ne se mêlant pas du reste. Le troisième, le duc de Bourgogne, débarrassé des deux autres, put faire ce qu’il voulait