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HISTOIRE DE FRANCE

du roi et du royaume. La Flandre était son héritage, celui de sa femme ; il mena le roi en Flandre, pour y terminer une révolution qui mettait ses espérances en danger.

Il y avait alors une grande émotion dans toute la chrétienté. Il semblait qu’une guerre universelle commençât, des petits contre les grands. En Languedoc, les paysans, furieux de misère, faisaient main basse sur les nobles et sur les prêtres, tuant sans pitié tous ceux qui n’avaient pas les mains dures et calleuses, comme eux ; leur chef s’appelait Pierre de La Bruyère[1]. Les chaperons blancs de Flandre suivaient un bourgeois de Gand ; les ciompi de Florence, un cardeur de laine ; les compagnons de Rouen avaient fait roi, bon gré mal gré, un drapier, « un gros homme, pauvre d’esprit[2] ». En Angleterre, un couvreur menait le peuple à Londres, et dictait au roi l’affranchissement général des serfs.

L’effroi était grand. Les gentilshommes, attaqués partout en même temps, ne savaient à qui entendre. « L’on craignoit, dit Froissart, que toute gentillesse ne périt. » Dans tout cela, pourtant, il n’y avait nul concert, nul ensemble. Quoique les maillotins de Paris eussent essayé de correspondre avec les blancs chaperons de Flandre[3], tous ces mouvements, analo-

  1. Ils tuèrent ainsi un écuyer écossais, après l’avoir couronné de fer rouge, et un religieux de la Trinité, qu’ils traversèrent de part en part d’une broche de fer. Le lendemain, ayant pris un prêtre qui allait à la cour de Rome, ils lui coupèrent le bout des doigts, lui enlevèrent la peau de sa tonsure et le brûlèrent.
  2. App. 9.
  3. On trouva, dit-on, au pillage de Courtrai des lettres de bourgeois de