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HISTOIRE DE FRANCE

voudrais pas un homme de plus. Le nombre que nous avons, c’est le nombre qu’il a voulu ; ces gens placent leur confiance dans leur multitude, et moi dans Celui qui fit vaincre si souvent Judas Macchabée. »

Les Anglais, ayant encore une nuit à eux, l’employèrent utilement à se préparer, à soigner l’âme et le corps, autant qu’il se pouvait. D’abord ils roulèrent les bannières, de peur de la pluie, mirent bas et plièrent les belles cottes d’armes qu’ils avaient endossées pour combattre. Puis, afin de passer confortablement cette froide nuit d’octobre, ils ouvrirent leurs malles et mirent sous eux de la paille qu’ils envoyaient chercher aux villages voisins. Les hommes d’armes remettaient des aiguillettes à leurs armures, les archers des cordes neuves aux arcs. Ils avaient depuis plusieurs jours taillé, aiguisé les pieux qu’ils plantaient ordinairement devant eux pour arrêter la gendarmerie. Tout en préparant la victoire, ces braves gens songeaient au salut ; ils se mettaient en règle du côté de Dieu et de la conscience. Ils se confessaient à la hâte, ceux du moins que les prêtres pouvaient expédier. Tout cela se faisait sans bruit, tout bas. Le roi avait ordonné le silence, sous peine, pour les gentlemen, de perdre leur cheval, et pour les autres l’oreille droite.

Du côté des Français, c’était autre chose. On s’occupait à faire des chevaliers. Partout de grands feux qui montraient tout à l’ennemi ; un bruit confus de gens qui criaient, s’appelaient, un vacarme de valets et de pages. Beaucoup de gentilshommes passèrent la nuit dans leurs lourdes armures, à cheval, sans doute