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L’ANGLETERRE. — AZINCOURT

en si noble assemblée. Il y avait des canons, mais il ne paraît pas qu’on s’en soit servi ; probablement il n’y eut pas non plus de place pour eux.

L’armée anglaise n’était pas belle. Les archers n’avaient pas d’armure, souvent pas de souliers ; ils étaient pauvrement coiffés de cuir bouilli, d’osier même avec une croisure de fer ; les cognées et les haches, pendues à leur ceinture, leur donnaient un air de charpentiers. Plusieurs de ces bons ouvriers avaient baissé leurs chausses, pour être à l’aise et bien travailler, pour bander l’arc d’abord[1], puis pour manier la hache, quand ils pourraient sortir de leur enceinte de pieux, et charpenter ces masses immobiles.

Un fait bizarre, incroyable, et pourtant certain, c’est qu’en effet l’armée française ne put bouger, ni pour combattre, ni pour fuir. L’arrière-garde seule échappa.

Au moment décisif, lorsque le vieux Thomas de Herpinghem, ayant rangé l’armée anglaise, jeta son bâton en l’air en disant : « Now strike[2] ! », lorsque les Anglais eurent répondu par un formidable cri de dix mille hommes, l’armée française resta encore immobile à leur grand étonnement. Chevaux et chevaliers, tous parurent enchantés, ou morts dans leurs armures. Dans la réalité, c’est que ces grands chevaux de combat, sous la charge de leur pesant cavalier, de

  1. Les archers anglais poussaient l’arc avec le bras gauche, ceux de France tiraient la corde avec le bras droit ; chez ceux-ci c’était le bras gauche, chez ceux-là le bras droit qui restait immobile. M. Gilpin attribue à cette différence de procédé celle d’expression dans les deux langues : tirer de l’arc, en français ; bander l’arc, en anglais.
  2. « Maintenant, frappe ! » (Monstrelet.)