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L’ANGLETERRE. — AZINCOURT

Quelque blasés que vous soyez par tant de livres et d’événements, quelque préoccupés des profondes littératures des nations étrangères, de leur puissante musique, gardez, Français d’aujourd’hui, gardez toujours bon souvenir à ces aimables poésies, à ces doux chants de vos pères dans lesquels ils ont exprimé leurs joies, leurs amours, à ces chants qui touchèrent le cœur de vos mères et dont vous-mêmes êtes nés…


Je me suis écarté, ce semble ; mais je devais ceci au poète, au prisonnier. Je devais, après cet immense malheur, dire aussi que les vaincus étaient moins dignes de mépris que les vainqueurs ne l’ont cru… Peut-être encore, au milieu de cette docile imitation des mœurs et des idées anglaises qui gagne chaque jour[1], peut-être est-ce chose utile de réclamer en faveur de la vieille France, qui s’en est allée… Où est-elle, cette France du moyen âge et de la Renaissance, de Charles d’Orléans, de Froissart ?… Villon se le demandait déjà en vers plus mélancoliques qu’on n’eût attendu d’un si joyeux enfant de Paris :

« Dites-moi en quel pays
« Est Flora, la belle Romaine ?
« Où est la très sage Héloïs ?…
« La reine Blanche, comme un lis,
« Qui chantoit à voix de Sirène ?
« … Et Jeanne, la bonne Lorraine
« Qu’Anglais brûlèrent à Rouen ?
.............
« Où sont-ils, Vierge souveraine ?
— « Mais où sont les neiges d’antan ? »

  1. Perlin s’en plaignait déjà au seizième siècle : « Il me desplaît que ces vilains estans en leur pays nous crachent à la face, et eulx estans à la France, on les honore et révère comme petits dieux. » (1558.)