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HISTOIRE DE FRANCE

les armes contre les Anglais et courait la Picardie. Saintrailles et La Hire venaient à grandes journées lui donner la main. Tous les gentilshommes passaient peu à peu du côté de Charles VII[1], du parti qui faisait les expéditions hardies, les courses aventureuses. Les paysans, il est vrai, souffrant de ces courses et de ces pillages, devaient à la longue se rallier à un maître qui saurait les protéger[2].

La férocité des vieux pillards armagnacs servait Henri V. Il fit une chose populaire en assiégeant la ville de Meaux, dont le capitaine, une espèce d’ogre[3], le bâtard de Vaurus, avait jeté dans les campagnes une indicible terreur. Mais comme le bâtard et ses gens n’attendaient aucune merci, ils se défendirent en désespérés. Du haut des murs, ils vomissaient toute sorte d’outrages contre Henri V, qui était là en personne ; ils y avaient fait monter un âne, qu’ils couronnaient et battaient tour à tour ; c’était, disaient-ils, le roi d’Angleterre qu’ils avaient fait prisonnier. Ces brigands servirent admirablement la France, dont pourtant ils ne se souciaient guère. Ils tinrent les Anglais devant Meaux tout l’hiver, huit grands mois ; la belle armée se consuma par le froid, la misère et la peste. Le siège ouvrit le 6 octobre ; le 18 décembre, Henri, qui voyait déjà cette armée diminuer, écrivait en Allemagne, en Portugal, pour en tirer au plus tôt des

  1. Journal du Bourgeois. — Monstrelet.
  2. App. 221.
  3. Tout le monde a lu cette terrible histoire populaire de la pauvre femme enceinte qu’un des Vaurus fit lier à un arbre, qui accoucha la nuit et fut mangée des loups. (Journal du Bourgeois.)