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MORT D’HENRI V ET DE CHARLES VI

pouvait manquer de devenir chaque jour et plus nécessaire et plus impérieux ; d’autre part, les hommes d’armes, les capitaines, qui lui avaient engagé, amené des soldats, devaient sans cesse réclamer l’arriéré[1].

Henri V avait trouvé au fond de sa victoire la détresse et la misère. L’Angleterre rencontrait dans son action sur l’Europe, au quinzième siècle, le même obstacle que la France avait trouvé au quatorzième. La France aussi avait alors étendu vigoureusement les bras au midi et au nord, vers l’Italie, l’Empire, les Pays-Bas. La force lui avait manqué dans ce grand effort, les bras lui étaient retombés, et elle était restée dans cet état de langueur où la surprit la conquête anglaise.

Les Anglais s’étaient figuré, en faisant la guerre, que la France pouvait la payer. Ils trouvèrent le pays déjà désolé. Depuis quinze ans, les misères avaient crû, les ruines étaient ruinées. Ils tirèrent si peu des pays conquis que, pour n’y pas périr eux-mêmes, il fallait qu’ils apportassent. Où prendre donc ? Nous l’avons dit, l’Église seule alors était riche. Mais comment la maison de Lancastre, qui s’était élevée à l’ombre de l’Église, et en lui livrant ses ennemis, comment eût-elle repris contre l’Église le rôle de ces ennemis même, celui des niveleurs hérétiques qu’elle avait livrés aux bûchers ?

  1. Ces réclamations furent si vives à la mort d’Henri V, que le conseil de régence fut obligé de leur assigner en payement le tiers et le tiers du tiers de tout ce que le roi avait pu gagner personnellement à la guerre, butin, prisonniers, etc. (Statutes of the Realm.)