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MORT D’HENRI V ET DE CHARLES VI

ordonne que vous vous désistiez de tourmenter son chrétien peuple de France ; sinon, vous avez peu à vivre[1]. »

Henri V était jeune encore ; mais il avait beaucoup travaillé en ce monde, le temps était venu du repos. Il n’en avait pas eu depuis sa naissance. Il fut pris après sa campagne d’hiver d’une vive irritation d’entrailles, mal fort commun alors, et qu’on appelait le feu Saint-Antoine. La dyssenterie le saisit[2]. Cependant le duc de Bourgogne lui ayant demandé secours pour une bataille qu’il allait livrer, il craignit que le jeune prince français ne vainquît encore cette fois tout seul, et il répondit : « Je n’enverrai pas, j’irai. » Il était déjà très faible, et se faisait porter en litière ; mais il ne put aller plus loin que Melun ; il fallut le rapporter à Vincennes. Instruit par les médecins de sa fin prochaine, il recommanda son fils à ses frères, et leur dit deux sages paroles : premièrement de ménager le duc de Bourgogne ; deuxièmement, si l’on traitait, de s’arranger toujours pour garder la Normandie.

Puis il se fit lire les psaumes de la pénitence ; et quand on en vint aux paroles du Miserere : Ut ædificentur muri Hierusalem, le génie guerrier du mourant se réveilla dans sa piété même : « Ah ! si Dieu m’avait laissé vivre mon âge, dit-il, et finir la guerre de France, c’est moi qui aurais conquis la terre sainte[3] ! »

Il semble qu’à ce moment suprême il ait éprouvé

  1. Chastellain.
  2. Le parti ennemi publia qu’il était mort mangé des poux.
  3. App. 224.