Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 4.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
HISTOIRE DE FRANCE

Tout cela était assez raisonnable. Mais le duc de Bourgogne n’était pas roi de France. Le projet avait le tort de lui être trop utile ; le maître de la Flandre eût profité plus que personne du succès de l’invasion d’Angleterre. On obéit donc lentement et de mauvaise grâce. La ville de bois se fit attendre, et n’arriva qu’à moitié brisée par la tempête. Le duc de Berri amusa le roi, le plus longtemps qu’il put, en mariant son fils avec la petite sœur du roi, âgée de neuf ans. Charles VI partit seulement le 5 août, et on lui fit encore visiter lentement les places de la Picardie, de manière qu’il n’arriva à Arras qu’à la mi-septembre. Le temps était beau, on pouvait passer. Mais les Anglais négociaient. Le duc de Berri n’arrivait pas ; il n’était aucunement pressé. Lettres, messages, rien ne pouvait lui faire hâter sa marche. Il arriva lorsque la saison rendait le passage à peu près impossible[1]. Le mois de décembre était venu, les mauvais temps, les longues nuits. L’Océan garda encore cette fois son île, comme il a fait contre Philippe II, contre Bonaparte[2].

Notre meilleure arme contre la Grande-Bretagne, c’est la Bretagne. Nos marins bretons sont les vrais adversaires des leurs ; aussi fermes, moins sages peut-être, mais réparant cela par l’élan dans le moment critique. Le connétable de Clisson, homme du roi et chef des résistances bretonnes contre le duc de Bre-

  1. App. 23.
  2. … And Ocean, ’mid his uproar wild,
    Speaks safety to his island child.

    « L’Océan qui la garde, en son rauque murmure, dit amour et salut à son île, à son enfant ! » (Coleridge.)