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HISTOIRE DE FRANCE

connaissait déjà plus ces ménagements préalables ; on s’adressait directement, brutalement au corps ; on le tourmentait. Le roi se lassa bientôt du traitement, et dans un moment de raison il chassa ses médecins.

Les gens de la cour l’engageaient à ne chercher d’autre remède que les amusements, les fêtes, à guérir la folie par la folie. Une belle occasion se présenta : la reine mariait une de ses dames allemandes, déjà veuve. Les noces de veuves étaient des charivaris, des fêtes folles, où l’on disait et faisait tout. Afin d’en faire, s’il se pouvait, davantage, le roi et cinq chevaliers se déguisèrent en satyres. Celui qui mettait en train ces farces obscènes était un certain Hugues de Guisay, un mauvais homme, de ces gens qui deviennent quelque chose en amusant les grands et marchant sur les petits. Il fit coudre ces satyres dans une toile enduite de poix-résine, sur quoi fut collée une toison d’étoupes qui les faisait paraître velus comme des boucs. Pendant que le roi, sous ce déguisement, lutine sa jeune tante, la toute jeune épouse du vieux duc de Berri, le duc d’Orléans, son frère, qui avait passé la soirée ailleurs, rentre avec le comte de Bar ; ces malheureux étourdis imaginent, pour faire peur aux dames, de mettre le feu aux étoupes. Ces étoupes tenaient à la poix-résine ; à l’instant les satyres flambèrent. La toile était cousue ; rien ne pouvait les sauver. Ce fut chose horrible de voir courir dans la salle ces flammes vivantes, hurlantes… Heureusement, la jeune duchesse de Berri retint le roi, l’empêcha de bouger, le couvrit de sa robe, de sorte qu’aucune étin-