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FOLIE DE CHARLES VI

s’emporta contre le chambellan La Rivière qui avait laissé voir le roi en cet état aux ennemis de la France.

Lorsqu’il revint un peu à lui, et qu’il sut ce qu’il avait fait, il en eut horreur, demanda pardon et se confessa. Les oncles s’étaient emparés de tout, et avaient mis en prison La Rivière et les autres conseillers du roi ; Clisson avait seul échappé. Toutefois le roi défendit qu’on leur fît mal, et leur fit même rendre leurs biens[1].

Les médecins ne manquèrent point au royal malade, mais ils ne firent pas grand’chose. C’était déjà, comme aujourd’hui, la médecine matérialiste, qui soigne le corps sans se soucier de l’âme, qui veut guérir le mal physique sans rechercher le mal moral, lequel pourtant est ordinairement la cause première de l’autre. Le moyen âge faisait tout le contraire ; il ne connaissait pas toujours les remèdes matériels ; mais il savait à merveille calmer, charmer le malade, le préparer à se laisser guérir. La médecine se faisait chrétiennement, au bénitier même des églises. Souvent on commençait par confesser le patient, et l’on connaissait ainsi sa vie, ses habitudes. On lui donnait ensuite la communion, ce qui aidait à rétablir l’harmonie des esprits troublés. Quand le malade avait mis bas la passion, l’habitude mauvaise, dépouillé le vieil homme, alors on cherchait quelque remède. C’était ordinairement quelque absurde recette ; mais sur un homme si bien préparé tout réussissait. Au quatorzième siècle, on ne

  1. On était loin de s’attendre à un traitement si humain. Les Parisiens allaient tous les jours à la Grève, dans l’espoir de les voir pendre.