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FOLIE DE CHARLES VI

Les rois se réconcilièrent plus aisément que les papes. Les Anglais ne voulaient point la paix[1] ; mais leur roi la voulut ; il signa du moins une trêve de vingt-huit ans. Richard II, haï des siens, avait besoin de l’amitié de la France. Il épousa une fille du roi[2], avec une dot énorme de huit cent mille écus[3]. Mais il rendait Brest et Cherbourg.

Cet heureux traité permit à la noblesse de France, ce qu’elle souhaitait depuis si longtemps, de faire encore une croisade. La guerre contre les infidèles, c’était la paix entre les chrétiens. Il n’y avait plus si loin à chercher la croisade ; elle venait nous chercher. Les Turcs avançaient ; ils enveloppaient Constantinople, serraient la Hongrie. Ce rapide conquérant, Bajazet l’Éclair (Hilderim), avait, disait-on, juré de faire manger l’avoine à son cheval sur l’autel de Saint-Pierre de Rome. Une nombreuse noblesse partit, le connétable, quatre princes du sang, plusieurs hommes de grande réputation, l’amiral de Vienne, les sires de Couci, de Boucicaut. L’ambitieux duc de Bourgogne obtint que son fils, le duc de Nevers, un jeune homme de vingt-deux ans, fût le chef de ces vieux et expérimentés capitaines[4]. Une foule de jeunes seigneurs qui faisaient leurs premières armes déployèrent un luxe insensé. Les bannières, les guidons, les housses, étaient chargés d’or et d’argent ; les tentes étaient de satin vert. La vaisselle d’argent suivait sur

  1. App. 38.
  2. La jeune Isabelle avait sept ans. Richard assura qu’il en était épris sur la vue de son portrait.
  3. App. 39.
  4. App. 40.