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HISTOIRE DE FRANCE

faisait des offrandes à l’un, pour l’autre des conjurations. On implorait à la fois le ciel et l’enfer.

On avait fait venir du Languedoc un homme fort extraordinaire qui veillait, jeûnait comme un saint, non pour se sanctifier, mais afin d’acquérir influence sur les éléments et de faire des astres ce qu’il voulait. Sa science était dans un livre merveilleux qui s’appelait Smagorad, et dont l’original avait été donné à Adam[1]. Notre premier père, disait-il, ayant pleuré cent ans son fils Abel, Dieu lui envoya ce livre par un ange pour le consoler, le relever de sa chute, pour donner à l’homme régénéré puissance sur les étoiles.

Le livre ne réussissant pas pour Charles VI aussi bien que pour Adam, on eut recours à deux Gascons ermites de Saint-Augustin. On les établit à la Bastille près de l’hôtel Saint-Paul. On leur fournit tout ce qu’ils demandaient, entre autres choses des perles en poudre, dont ils firent un breuvage pour le roi. Ce breuvage, et les paroles magiques dont ils le fortifiaient, ne produisirent aucun bien durable ; les deux moines, pour s’excuser, accusèrent le barbier du roi et le concierge du duc d’Orléans de troubler leurs opérations par de mauvais sortilèges. Ce barbier avait été vu, disait-on, rôdant autour du gibet, pour y prendre les ingrédients de ses maléfices. Toutefois les moines ne purent rien prouver ; on les sacrifia au duc d’Orléans, au clergé. Ils avaient fait grand scandale. Tout le monde venait les consulter à la Bastille, leur demander des remèdes

  1. App. 47.