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FOLIE DE CHARLES VI

pour les maladies, des philtres d’amour. Ils furent dégradés en Grève par l’évêque de Paris, puis promenés par la ville, décapités, mis en quartiers, et les quartiers attachés aux portes de Paris.

L’effet de ces mauvais remèdes fut d’aggraver le mal. Le pauvre prince, après une lueur de raison, sentit l’approche de la frénésie ; il dit lui-même qu’il fallait se hâter de lui ôter son couteau[1]. Il souffrait de grandes douleurs, et disait, les larmes aux yeux, qu’il aimerait mieux mourir. Tout le monde pleurait aussi, quand on l’entendait dire, comme il fit au milieu de toute sa maison : « S’il est ici parmi vous, celui qui me fait souffrir, je le conjure, au nom de Notre-Seigneur, de ne pas me tourmenter davantage, de faire que je ne languisse plus ; qu’il m’achève plutôt, et que je meure. »

Hélas ! disaient les bonnes gens, comment un roi si débonnaire[2] est-il ainsi frappé de Dieu et livré aux mauvais esprits ? Il n’a pourtant jamais fait de mal. Il n’était pas fier ; il saluait tout le monde, les petits comme les grands[3]. On pouvait lui dire tout ce qu’on voulait. Il ne rebutait personne ; dans les tournois, il joutait avec le premier venu. Il s’habillait simplement, non comme un roi, mais comme un homme. Il était paillard, il est vrai ; il aimait les femmes, les filles. Après tout, on ne pouvait dire qu’il eût jamais fait de peine aux familles honnêtes. La reine ne voulant plus coucher avec lui, on lui mettait dans son lit une petite

  1. App. 48.
  2. App. 49.
  3. App. 50.