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HISTOIRE DE FRANCE

d’être peut-être emportés corps et âme par le Diable[1].

Le peuple de Paris voulait toujours voir son roi. Quand il n’était pas trop fol, et qu’on ne craignait pas qu’il fît rien d’inconvenant, on le menait aux églises. Ou bien encore, abattu et languissant, il allait aux représentations des Mystères que les Confrères de la Passion jouaient alors rue Saint-Denis. Ces Mystères, moitié pieux, moitié burlesques, étaient considérés comme des actes de foi. Ceux qui n’y auraient pas trouvé d’amusement n’y eussent pas moins assisté, pour leur édification. Dans plusieurs églises, on avançait l’heure des vêpres pour qu’on pût aller aux Mystères.

Mais on n’osait pas toujours faire sortir le roi. Alors dans son retrait de l’hôtel Saint-Paul, ou dans la librairie du Louvre, amassée par Charles V, on lui mettait dans les mains des figures pour l’amuser. Immobiles dans les livres écrits, ces figures prirent mouvement, et devinrent des cartes[2]. Le roi jouant aux cartes, tout le monde voulut y jouer. Elles étaient peintes d’abord ; mais cela étant trop cher, on s’avisa de les imprimer[3]. Ce qu’on aimait dans ce jeu, c’est qu’il empêchait de penser, qu’il donnait l’oubli. Qui eût dit qu’il en sortirait l’instrument qui multiplie la pensée et qui l’éternise, que de ce jeu des fols sortirait le tout-puissant véhicule de la sagesse ?

Quelque recette de distraction qu’il y eût au fond

  1. Le Religieux.
  2. Les cartes étaient connues avant Charles VI, mais peu en usage. App. 52.
  3. App. 53.