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HISTOIRE DE FRANCE

naire, qui me donnera les ailes de vraie liberté, que je puisse trouver en vous repos et consolation… Ô Jésus, lumière de gloire éternelle, seul soutien de l’âme pèlerine, pour vous est mon désir sans voix, et mon silence parle… Hélas ! que vous tardez à venir ! Venez donc consoler votre pauvre. Venez, venez, nulle heure n’est joyeuse sans vous… — Ah ! je le sens, Seigneur, vous êtes revenu[1], vous avez eu pitié de mes larmes et de mes soupirs… Louange à vous, vraie Sagesse du Père ! tout vous loue et bénit, mon corps, mon âme, et aussi toutes vos créatures[2] !… »

La transmission du livre populaire fut rapide, on ne peut en douter. Le genre humain, au commencement du quinzième siècle, éprouva un besoin tout nouveau de reproduire, de répandre la pensée ; ce fut comme une frénésie d’écrire. Les écrivains faisaient fortune, non plus les belles mains, mais les plus agiles. L’écriture, de plus en plus hâtée, risquait de devenir illisible[3]… Les manuscrits, jusqu’alors enchaînés dans les


    monastique ; il dit : « O mi dilectissime sponse, amator purissime !… » Combien le français est plus pur : « Mon loyal ami et époux !» — Le latin, pour émousser encore, ajoute une inutilité : « Dominator universæ creaturæ. » App. 6.

  1. Ce beau mouvement n’est pas dans le latin. Le latin est ici languissant et décousu en comparaison du français.
  2. J’ai changé deux ou trois mots : Soulas (solatium), piteux… — J’ai supprimé aussi une naïveté triviale, mais fort énergique et comme il en fallait dans un livre du peuple : « Vous seul estes ma joye ; et sans vous, il n’y a point viande qui vaille… »
  3. Pétrarque s’en plaint au milieu du quatorzième siècle. Mêmes plaintes au quinzième dans Clémengis, particulièrement pour l’indistinction et la continuité de l’écriture qui faisait un mot de chaque ligne. — Dès l’an 1304, le roi avait été obligé de défendre aux notaires les abréviations : leur écriture serait devenue une sorte d’algèbre. App. 7.