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CHARLES VII. — HENRI VI

églises[1], dans les couvents, avaient rompu la chaîne et couraient de main en main. Peu de gens savaient lire, mais celui qui savait lisait tout haut ; les ignorants écoutaient d’autant plus avidement ; ils gardaient, dans leurs jeunes et ardentes mémoires, des livres entiers.

Il fallait bien lire, écouter, penser tout seul, puisque l’enseignement religieux et la prédication manquaient presque partout. Les dignitaires ecclésiastiques abandonnaient ce soin à des voix mercenaires. Nous avons vu, en 1405 et 1406, que, pendant deux hivers, deux carêmes, il n’y eut point de sermon à Paris ; à peine y eut-il un culte.

Et quand ils parlaient, que disaient-ils ? Ils proclamaient leurs dissensions, leurs haines ; ils maudissaient leurs adversaires. Comment s’étonner que l’âme religieuse se soit retirée en soi, qu’elle n’ait plus voulu entendre la voix discordante des docteurs, mais une seule voix, celle de Dieu ? « Parlez, Seigneur, votre serviteur vous écoute… Les fils d’Israël disaient jadis à Moïse : Parle-nous ; que le Seigneur ne nous parle pas, de peur que nous ne mourions. Ce n’est pas là ma prière, ô Seigneur. Non, que Moïse ne parle point, ni lui, ni les prophètes[2]… Ils donnent la lettre. Vous, vous donnez l’esprit. Parlez vous-même,

  1. « Enchaînés et attachiés ès chayères du chœur. » (Vilain.) — Quelquefois même, pour plus de sûreté, on les mettait dans une cage de fer ; en 1406, un bréviaire ayant besoin de réparation, on fait scier par un serrurier deux croisillons de la cage où il était renfermé.
  2. « Non loquatur mihi Moyses, aut aliquis ex prophetis ; sed Tu, etc. » (Imitatio, lib. III, c. 2.)