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LA PUCELLE D’ORLÉANS

chronique. Il lui demanda, dans son français limousin, quelle langue parlait donc cette prétendue voix céleste. Jehanne répondit avec un peu trop de vivacité : « Meilleure que la vôtre. » — « Crois-tu en Dieu ? » dit le docteur en colère. « Eh bien ! Dieu ne veut pas que l’on ajoute foi à tes paroles, à moins que tu ne montres un signe. » Elle répondit : « Je ne suis point venue à Poitiers pour faire des signes ou miracles ; mon signe sera de faire lever le siège d’Orléans. Qu’on me donne des hommes d’armes, peu ou beaucoup, et j’irai. »

Cependant, il en advint à Poitiers comme à Vaucouleurs, sa sainteté éclata dans le peuple ; en un moment tout le monde fut pour elle. Les femmes, damoiselles et bourgeoises, allaient la voir chez la femme d’un avocat du Parlement, dans la maison de laquelle elle logeait ; et elles en revenaient tout émues. Les hommes même y allaient ; ces conseillers, ces avocats, ces vieux juges endurcis, s’y laissaient mener sans y croire, et quand ils l’avaient entendue, ils pleuraient, tout comme les femmes[1], et disaient : « Cette fille est envoyée de Dieu. »

Les examinateurs allèrent la voir eux-mêmes, avec l’écuyer du roi, et comme ils recommençaient leur éternel examen, lui faisant de doctes citations, et lui prouvant, par tous les auteurs sacrés, qu’on ne devait pas la croire : « Écoutez, leur dit-elle, il y en a plus au livre de Dieu que dans les vôtres… Je ne sais ni A ni B ; mais je viens de la part de Dieu pour faire lever le

  1. « Plouroient à chaudes larmes. » (Chronique de la Pucelle.)