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HISTOIRE DE FRANCE

siège d’Orléans et sacrer le dauphin à Reims… Auparavant, il faut pourtant que j’écrive aux Anglais, et que je les somme de partir. Dieu le veut ainsi. Avez-vous du papier et de l’encre ? Écrivez, je vais vous dicter[1]… À vous, Suffort, Classidas et La Poule, je vous somme, de par le Roi des cieux, que vous vous en alliez en Angleterre[2]… » Ils écrivirent docilement ; elle avait pris possession de ses juges mêmes.

Leur avis fut qu’on pouvait licitement employer la jeune fille, et l’on reçut même réponse de l’archevêque d’Embrun, que l’on avait consulté. Le prélat rappelait que Dieu avait maintes fois révélé à des vierges, par exemple aux Sibylles, ce qu’il cachait aux hommes. Le démon ne pouvait faire pacte avec une vierge ; il fallait donc bien s’assurer si elle était vierge en effet. Ainsi la science poussée à bout, ne pouvant ou ne voulant point s’expliquer sur la distinction délicate des bonnes et des mauvaises révélations, s’en remettait humblement des choses spirituelles au corps, et faisait dépendre du féminin mystère cette grave question de l’esprit.

Les docteurs ne sachant que dire, les dames décidèrent[3]. La bonne reine de Sicile, belle-mère du roi, s’acquitta avec quelques dames du ridicule examen, à l’honneur de la Pucelle. Des franciscains qu’on avait envoyés dans son pays aux informations, avaient rap-

  1. Déposition du témoin oculaire Versailles.
  2. Cette lettre et les autres que la Pucelle a dictées sont certainement authentiques. Elles ont un caractère héroïque que personne n’eût pu feindre, une vivacité toute française, à la Henri IV, mais deux choses de plus : naïveté, sainteté. App. 27.
  3. App. 28.