Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

Charité. Au premier, presque abandonnée[1], elle donna pourtant l’assaut et emporta la ville. Le siège de La Charité traîna, languit et une terreur panique dispersa les assiégeants.

Cependant les Anglais avaient décidé le duc de Bourgogne à les aider sérieusement. Plus il les voyait faibles, plus il avait l’espoir de garder les places qu’il pourrait prendre en Picardie. Les Anglais, qui venaient de perdre Louviers, se mettaient à sa discrétion. Ce prince, le plus riche de la chrétienté, n’hésitait plus à mettre de l’argent et des hommes dans une guerre dont il espérait avoir le profit. Pour quelque argent il gagna le gouverneur de Soissons. Puis il assiégea Compiègne dont le gouverneur était aussi un homme fort suspect. Mais les habitants étaient trop compromis dans la cause de Charles VII pour laisser livrer leur ville. La Pucelle vint s’y jeter. Le jour même, elle fit une sortie et faillit surprendre les assiégeants. Mais ils furent remis en un moment et poussèrent vivement les assiégés jusqu’au boulevard, jusqu’au pont. La Pucelle, restée en arrière pour couvrir la retraite, ne put rentrer à temps, soit que la foule obstruât le pont, soit qu’on eût déjà fermé la barrière. Son costume la désignait ; elle fut bientôt entourée,

  1. Lorsqu’on eut sonné la retraite, Daulon aperçut la Pucelle à l’écart avec les siens : « Et lui demanda qu’elle faisoit là ainsi seule, pour quoy elle ne se retyroit pas comme les autres ; laquelle après ce qu’elle eust osté sa salade de dessus sa tête, lui respondit qu’elle n’estoit point seule, et que encore avoit-elle en sa compaignie cinquante mille de ses gens, et que d’illec ne se partiroit, jusque ad ce qu’elle eût prinse ladite ville. Il dict il qui parle que à celle heure, quelque chose qu’elle dict, n’avoit pas avec elle plus de quatre ou cinq hommes. » (Déposition de Daulon.)