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HISTOIRE DE FRANCE

saisie, tirée à bas de cheval. Celui qui l’avait prise, un archer picard, selon d’autres le bâtard de Vendôme, la vendit à Jean de Luxembourg. Tous, Anglais, Bourguignons, virent avec étonnement que cet objet de terreur, ce monstre, ce diable, n’était après tout qu’une fille de dix-huit ans.

Qu’il en dût advenir ainsi, elle le savait d’avance ; cette chose cruelle était infaillible, disons-le, nécessaire. Il fallait qu’elle souffrît. Si elle n’eût pas eu l’épreuve et la purification suprême, il serait resté sur cette sainte figure des ombres douteuses parmi les rayons ; elle n’eût pas été dans la mémoire des hommes la Pucelle d’Orléans.

Elle avait dit, en parlant de la délivrance d’Orléans et du sacre de Reims : « C’est pour cela que je suis née. » Ces deux choses accomplies, sa sainteté était en péril.

Guerre, sainteté, deux mots contradictoires ; il semble que la sainteté soit tout l’opposé de la guerre, qu’elle soit plutôt l’amour et la paix. Quel jeune courage se mêlera aux batailles sans partager l’ivresse sanguinaire de la lutte et de la victoire ?... Elle disait à son départ qu’elle ne voulait se servir de son épée pour tuer personne. Plus tard, elle parle avec plaisir de l’épée qu’elle portait à Compiégne, « excellente, dit-elle, pour frapper d’estoc et de taille[1] ». N’y a-t-il pas là l’indice d’un changement ? la sainte devenait un capitaine. Le duc d’Alençon dit qu’elle avait une

  1. « Bonus ad dandum de bonnes buffes et de bons torchons. » (Process. mss., 27 februarii 1431.)