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HISTOIRE DE FRANCE

taille, et le roi avait donné à l’un de ses frères la prévôté de Vaucouleurs.

Mais le plus grand péril pour la sainte, c’était sa sainteté même, les respects du peuple, ses adorations. À Lagny, on la pria de ressusciter un enfant. Le comte d’Armagnac lui écrivit pour lui demander de décider lequel des papes il fallait suivre[1]. Si l’on s’en rapportait à sa réponse (peut-être falsifiée), elle aurait promis de décider à la fin de la guerre, se fiant à ses voix intérieures pour juger l’autorité elle-même.

Et pourtant ce n’était pas orgueil. Elle ne se donna jamais pour sainte ; elle avoua souvent qu’elle ignorait l’avenir. On lui demanda la veille d’une bataille si le roi la gagnerait ; elle dit qu’elle n’en savait rien. À Bourges, des femmes la priant de toucher des croix et des chapelets, elle se mit à rire et dit à la dame Marguerite, chez qui elle logeait : « Touchez-les vous même ; ils seront tout aussi bons[2] . »

C’était, nous l’avons dit, la singulière originalité de cette fille, le bon sens dans l’exaltation. Ce fut aussi, comme on verra, ce qui rendit ses juges implacables. Les scolastiques, les raisonneurs, qui la haïssaient comme inspirée, furent d’autant plus cruels pour elle qu’ils ne purent la mépriser comme folle, et que souvent elle fit taire leurs raisonnements devant une raison plus haute.

Il n’était pas difficile de prévoir qu’elle périrait. Elle s’en doutait bien elle-même. Dès le commencement,

  1. App. 37.
  2. Déposition de Marguerite la Touroulde.