Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/106

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vérité, conciliante, jusqu’à admettre tout ce qu’admettrait la haine. Qu’est-ce que la charité qui fait la Saint-Barthélemy, allume les bûchers, organise l’Inquisition ?

En écartant de la religion le caractère charnel, repoussant l’incarnation religieuse, ce siècle, d’abord timide dans son audace, reste longtemps charnel en politique ; il voudrait pouvoir respecter l’incarnation royale, employer le roi, ce dieu-homme, au bonheur des hommes. C’est la chimère des philosophes et des économistes, des Voltaire et des Turgot, de faire la Révolution par le roi.

Rien de plus curieux que de voir l’idole disputée par les deux partis. Les philosophes tirent à droite, les prêtres à gauche. Qui l’emportera ? Les femmes. Ce dieu est un dieu de chair.

Celle qui le retient vingt années, née Poisson, dame de Pompadour, voudrait d’abord, contre la cour, se faire un appui du public. Les philosophes sont mandés ; Voltaire fait l’histoire du roi, des poèmes, des drames pour le roi ; d’Argenson devient ministre ; le contrôleur général, Machault, demande un état des biens ecclésiastiques… Ce coup réveille le clergé. Contre une femme, les Jésuites ne s’amusent pas à discourir ; ils opposent une femme, et triomphent… Quelle ? La propre fille du roi… Ici il faudrait Suétone. Ces choses ne s’étaient guère vues, depuis les douze Césars.

Voltaire fut chassé, et d’Argenson, et plus tard Machault. La Pompadour plia, communia, se mit aux