Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/161

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partis, tous heureux de ce grand jour qu’ils avaient fait et qui était leur victoire.

La brillante petite troupe des députés de la noblesse venait ensuite avec ses chapeaux à plumes, ses dentelles, ses parements d’or. Les applaudissements qui avaient accueilli le Tiers cessèrent tout à coup. Sur ces nobles cependant, quarante environ semblaient de chauds amis du peuple, autant que les hommes du Tiers.

Même silence pour le clergé. Dans cet ordre, on voyait très distinctement deux ordres : une Noblesse, un Tiers-état ; une trentaine de prélats en rochets et robes violettes ; à part et séparés d’eux par un chœur de musiciens, l’humble troupe des deux cents curés dans leurs noires robes de prêtres.

À regarder cette masse imposante de douze cents hommes animés de grande passion, une chose put frapper l’observateur attentif. Ils offraient très peu d’individualités fortes, beaucoup d’hommes honorables sans doute et d’un talent estimé, aucun de ceux qui, par l’autorité réunie du génie et du caractère, ont le droit d’entraîner la foule, nul grand inventeur, nul héros. Les puissants novateurs qui avaient ouvert les voies à ce siècle n’existaient plus alors. Il restait leur pensée pour mener les nations. De grands orateurs surgirent pour l’exprimer, l’appliquer, mais ils n’y ajoutèrent pas. La gloire de la Révolution dans ces premiers moments, mais son péril aussi, ce qui pouvait la rendre moins certaine dans sa marche, c’était de se passer d’hommes,