Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/422

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laient revenir au peuple et servir la nation. Ce crime était impolitique autant que barbare ; il empêchait à jamais qu’il ne nous vînt des transfuges ; il mettait un mur d’airain entre nous et l’ennemi.

Il faut dire qu’heureusement le crime n’était pas celui du corps tout entier. Sur douze cents hommes, une quarantaine environ y avaient trempé ; et ils ne l’avaient commis que poussés, excités par les déclamations féroces de leur lieutenant-colonel, le patriote Palloy, un artiste ridicule, un architecte intrigant, qui s’était enrichi à vendre les pierres de la Bastille. Ce spéculateur, en violence furieuse, en paroles meurtrières, passait les plus fanatiques, et il y trouvait son compte ; ruine et meurtre, tout lui profitait. Il imaginait sans doute que si l’armée était entraînée, le général massacré, il se mettrait à sa place. La chose tourna autrement. L’armée fut saisie d’horreur. Palloy n’eut qu’à se sauver. On cerna les deux bataillons, on les désarma, on leur ôta leurs drapeaux, on les envoya bivouaquer dans les fossés de Mézières. Le général Beurnonville vint les trouver là et leur dit qu’ils étaient perdus s’ils ne livraient les coupables. Ces enfants de Paris, mobiles et sensibles, quelle que fût leur violence, fondirent tous en larmes ; leurs bataillons épurés devinrent le modèle de toute l’armée, pour la bonne conduite autant que pour la bravoure.

Avec une telle armée, animée d’un si pur enthousiasme, le succès semblait certain. La France y apparaissait dans un de ces rares moments où l’homme