Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/421

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tristes regards. L’autorité, le respect, qui les leur aurait refusés, quand on les voyait s’ôter le pain pour le donner aux soldats, quand les plus braves, marchant à l’ennemi, les voyaient toujours vingt pas devant eux ?

On put juger déjà entre les batailles de Valmy et de Jemmapes, au fort du désordre, lorsque le péril de la France, l’excès de l’enthousiasme, le délire patriotique, inspiraient aux volontaires les actes les plus violents, qu’il y aurait pourtant dans l’armée, sous l’heureuse influence de ses officiers plébéiens, un caractère très ferme d’honnêteté, qu’elle ne souffrirait pas patiemment de tache sur l’habit militaire. On vit cette jeune armée, qui était à peine une armée encore, se purger elle-même inflexiblement, rejeter et punir le crime.

Une très affligeante affaire avait eu lieu à Rethel. Deux bataillons de volontaires parisiens (le Républicain et le Mauconseil) venaient d’arriver, pleins de fanatiques. Leur coup d’essai fut de massacrer, malgré le général Chazot, quatre pauvres soldats, domestiques d’émigrés, qui étaient rentrés et voulaient servir dans l’armée. La loi, il est vrai, contre l’émigré rentré n’était autre que la mort. La Convention, suivant le mouvement de l’indignation nationale, venait d’ordonner qu’on brûlât par la main du bourreau un drapeau de l’émigration, pris après Valmy. N’importe, il n’en était pas moins indigne et honteux de massacrer ces pauvres diables, gens du peuple, entraînés par leurs maîtres, qui vou-