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les bourses, dans un grand besoin public, paraît avoir été surtout une idée des Cordeliers.

Le premier essai fut fait par un dantoniste, Dubois-Crancé, à Lyon. Il a très bien dit lui-même comment, abandonné du centre et n’en ayant plus nouvelle, serré entre trois dangers, Lyon, Marseille, et le Piémont qui allait passer les Alpes, ne sachant qui invoquer, l’enfer ou le ciel, il prit son parti, s’unit fortement à Chalier et aux enragés de Lyon, et leur mit en mains cette épée, l’armée révolutionnaire. Que voulait-il ? Contenir Lyon, repousser l’invasion, et, au défaut d’autres ressources, faire manger Lyon, s’il le fallait, par l’armée des Alpes.

À Paris, il y eut une autre raison, bien forte pour solder le peuple, c’est qu’on ne savait plus comment le nourrir. L’armée révolutionnaire en ferait vivre une partie, ferait financer les riches, contiendrait les pauvres.

Dès 1790, il y avait cent vingt mille pauvres à Paris, et à, Versailles quarante mille (sur soixante mille habitants[1]).

  1. La misère semblait d’autant plus cruelle que les derniers temps de Louis XVI, parmi le déficit, la banqueroute imminente, les embarras croissants, avaient pourtant présenté une surexcitation singulière du travail. Il semblait que, sûr de périr et débarrassé de la prévoyance, on n’eût plus rien à ménager. Par le faux mouvement de Calonne, par la magnificence de MM. les fermiers-généraux, ruinant les uns pour enrichir les autres, englobant dans l’octroi les énormes faubourgs de Paris, les travaux avaient pris une fiévreuse activité : la rue Royale achevée, le Pont-Royal commencé, le Palais-Royal bâti, des rues, des places, des théâtres, des quartiers entiers (quartiers Odéon, Vivienne), toutes nos massives barrières, bastilles du fisc, l’immense et gigantesque enceinte de Paris, tout cela se fit à la fois. Il semblait que Paris prenait sa robe neuve pour recevoir triomphalement la Révolution. — Elle arrive, cette