Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’aime, par exemple, qu’en parlant de la propriété, du droit que l’homme a d’en jouir, la constitution de 1793 substitue au mot capitaux qu’on lit dans l’œuvre girondine : le fruit de son travail.

Un mot très beau est celui-ci. Dans l’énumération des moyens par lesquels on acquiert le droit de citoyen, la loi ajoute : « En adoptant un enfant, en nourrissant un vieillard. »

La constitution girondine, par une insigne imprudence, donnait la même influence à la France des campagnes et à celle des villes, c’est-à-dire qu’elle donnait aux barbares aveugles, serfs d’une servitude invétérée, aux tourbes fanatiques, jouet des prêtres et des nobles, les moyens de se perdre eux-mêmes et de perdre la République. La constitution jacobine proportionne l’influence aux lumières et donne l’ascendant aux villes.

Comment se fit cette œuvre si rapide ?

Toutes les sociétés populaires la demandaient, la voulaient à l’instant. Personne ne voulait l’anarchie, pas même ceux qui la faisaient. Tous avaient faim et soif des lois.

Tous, dans la foi naïve de cet âge, croyaient que la vérité n’avait qu’à paraître pour vaincre ; ils faisaient cet honneur à leurs ennemis de croire qu’en présence de la Liberté et de la Justice, nettement formulées dans la constitution, ils jetteraient les armes, que tout céderait, passions, intérêts et partis.

Cette impatience semblait rendre la tâche des rédacteurs facile. Un peuple si pressé d’avoir des