Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/29

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moral, que la brutalité émousse, énerve, éteint. Phénomène assez délicat. Je l’ai vu dans une ville du Rhin. Quand j’y passai en 1837, il y avait eu une chose qui faisait dresser les cheveux. C’était le vieil usage qu’on appelait le Vent du glaive. Le coupable était amené, les yeux bandés, agenouillé, le bourreau derrière lui, armé de l’épée germanique, une épée à deux mains et de cinq pieds de long. Sur ce cou nu et à peu de distance, il balançait l’épée, la lançait fort adroitement. Mais point de sang versé. C’était très efficace.

Ce qu’il fallait ici, c’était et de montrer le glaive et d’illuminer la justice, de montrer à quel point elle était juste et sainte, de sorte qu’il n’y eût aucun doute. Il fallait seulement quelques très grands coupables. L’un des funestes personnages qui firent la Guerre de Sept-Ans, nous vendirent à l’Autriche et firent périr un million d’hommes, vivait. Son châtiment légitime était attendu. Il n’eut aucun effet. Un jugement de cinq minutes et son audace peu commune mirent l’intérêt de son côté. Le jugement de la Du Barry eut même un effet de pitié. Fait avec soin, il eût été un pilori de Louis XV. Elle-même, on l’eût exposée, enfermée ou chassée, pour ne pas salir l’échafaud.

Mais la guillotine, avilie, semblait devenir folle, travailler au hasard. David lui-même, l’agent si utile de Robespierre, David un jour disait rêveur : « Resterons-nous vingt dans la Montagne ? » Il semble que Robespierre, de défiance en défiance,