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nèrent par la guerre de Lyon contre la France était la question sociale, la dispute des pauvres et des riches.

Cette grande et cruelle question, voilée ailleurs sous le mouvement politique, a toujours apparu à Lyon dans sa nudité.

Le marchand de Lyon, républicain de principes, n’en était pas moins le maître, le tyran de l’ouvrier, et qui pis est, le maître de sa femme et de sa fille.

Notez que le travail, à Lyon, se faisant en famille, la famille y est très forte ; ce n’est nullement un lien détendu, flottant, comme dans les villes de manufactures. L’ouvrier lyonnais est très sensible, très vulnérable en sa famille, et c’est là justement qu’il était blessé[1].

La prostitution non publique, mais infligée à la famille comme condition de travail, c’était le caractère déplorable de la vie lyonnaise. Cette race était humiliée. Physiquement, c’était une des plus chétives de l’Europe. Le haut métier à la Jacquart n’existant pas alors et n’ayant pas encore imposé aux constructeurs l’exhaussement des pla-

  1. L’insuffisance des salaires, surtout pour les femmes, ne se compensait que par le piquage d’once, petit vol habituel sur le poids de la soie que l’on confiait à l’ouvrière.

    Si le maître ou le commis fermait les yeux, on devine à quel prix.

    La femme même qui n’eût pas volé n’obtenait guère de travail sans cette triste condition. Nulle part, dit-on, les mœurs n’étaient plus mauvaises qu’à Lyon. Ce n’est pas au hasard que le plus affreux de nos romanciers, écrivant vers 1790, a placé dans cette Sodome le dernier épisode de son épouvantable livre.