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fut l’organe des sentiments réels d’une grande partie de la Montagne, qui ne pardonnait pas à Marat sa royauté d’un quart d’heure au 2 juin.

Il eut mieux que le Panthéon. Il eut une pompe populaire et fut enterré parmi le peuple sous les arbres clés Cordeliers, près de la vieille église et du fameux caveau où il avait écrit. Les pauvres gens, ceux même qui n’avaient guère lu ses journaux, étaient attendris de sa mort, de son dévouement, de sa ; grande pauvreté. Ils savaient seulement que c’était un vrai patriote, qui était mort pour eux et qui ne laissait rien au monde. Ils avaient le pressentiment très juste que ses successeurs vaudraient moins, auraient un zèle moins désintéressé. Beaucoup pleuraient. La pompe eut lieu de six heures à minuit, à la lueur des torches, à la clarté d’une resplendissante lune d’été. Et il n’était pas loin de une heure quand Marat fut déposé sous les saules du jardin.

Thuriot, président de la Convention, dit sur la tombe quelques mots chaleureux, toutefois propres à calmer le peuple, à faire ajourner la vengeance.

Un seul fait montrera combien la mort de Marat empirait la situation. L’ami d’Hébert, le secrétaire général de la Guerre, le petit Vincent, brouillon, intrigant furieux qui ne savait se contenir, montra sa joie pendant l’enterrement ; il se frottait les mains, disait : « Enfin !… » Ce qui signifiait : Nous sommes enfin rois. Nous héritons de la royauté de la presse populaire.