Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/318

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Et cela n’était que trop vrai. L’Ami du peuple fut, en réalité, remplacé par le Père Duchesne.

Hébert n’héritait pas sans doute de l’autorité de Marat ; mais, en revanche, il disposait d’une publicité bien autrement vaste, illimitée, on peut le dire, n’imprimant pas, comme Marat, selon la vente, mais selon l’argent qu’il tirait des caisses de l’État, spécialement de celle de la Guerre. Marat (sa sœur l’a imprimé) ne faisait pas ses frais. Hébert, en quelques mois, et vivant avec luxe, fit une fort belle fortune.

Employé des Variétés et chassé pour un vol, vendeur de contremarques à la porte des théâtres, il vendit aussi des journaux, spécialement le Père Duchesne (il y avait déjà deux journaux de ce titre). Hébert vola le titre et la manière, se fît entrepreneur d’un nouveau Père Duchesne, plus jureur, plus cynique ; il le faisait écrire par un certain Marquet. Parleur facile aux Cordeliers, Hébert se fît porter par eux à la Commune. Club, Commune et journal, trois armes pour extorquer l’argent. On le vit au 2 juin ; dans ce grand jour d’inquiétude où tout le monde s’oubliait, Hébert ne perdit pas la tête ; il sentit que le gouvernement, dans une telle crise, avait grand besoin des journaux et grande peur aussi. Il reçut cent mille francs.

Nous avons raconté qu’au 2 juin, Prudhomme, l’éditeur des Révolutions de Paris, fut arrêté et si bien tourmenté, qu’il cessa bientôt de paraître. Celui qui le fît arrêter, un certain Lacroix, était