Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/372

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Le 2 septembre, Soulès, un ami de Chalier, qui venait du Midi, apporta la fatale nouvelle de Toulon, non au Comité de salut public, mais tout droit à la barre de la Convention. On était sûr ainsi que la nouvelle ne serait pas étouffée.

Il y avait de quoi faire sauter le Comité et guillotiner peut-être le ministre de la marine. Barère soutint hardiment que la chose n’était pas vraie. Quelques-uns voulaient faire arrêter le malencontreux révélateur.

Le ministre était Monge, excellent patriote, grand homme de science et d’enseignement, mais pauvre homme d’affaires, serf des parleurs et aboyeurs, comme Bouchotte. Plusieurs fois on l’avertit de la légèreté de ses choix ; il en convenait avec douleur, avec larmes. Cependant ni lui ni personne ne soupçonna la noirceur de la trahison royaliste, la longue et profonde dissimulation, par laquelle les agents des princes parvinrent à se faire accepter comme violents Jacobins. Leurs titres sous ce rapport ont été parfaitement établis par l’un d’eux, le baron Imbert, dans sa brochure publiée en 1814. On ne peut lire sans admiration par quelle persévérante astuce ces honnêtes gens, à plat ventre devant la royauté des clubs, rampèrent, jusqu’à ce que l’étourderie des républicains leur livrât la proie. « Étant parvenu, dit Imbert, au commencement de 1793, à obtenir de l’emploi, je me chargeai d’une grande expédition pour en faire manquer les effets, ainsi que le portaient mes ordres secrets, les seuls légitimes. »